« Je suis venu vous parler d’Europe. » C’est par ces mots, en septembre 2017, que le nouveau président Emmanuel Macron commençait à l’époque son discours dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Sept ans plus tard, et au moment où s’engage la campagne pour les élections au Parlement européen, il sera de retour dans la prestigieuse université, ce jeudi 25 avril au matin, pour à nouveau parler d’Europe.

Officiellement, cette intervention ne sera pas liée à la campagne électorale. Il y sera « en chef d’État d’un des grands pays de l’Union », à l’orée d’un « nouveau cycle institutionnel » qui s’ouvrira avec la désignation des prochains dirigeants de la Commission et du Conseil. Il est animé par « la volonté d’orienter et de peser sur le prochain agenda stratégique de l’UE », précise l’Élysée.

Il s’exprimera devant les corps constitués et les ambassadeurs des 26 autres pays membres. Ce discours est une occasion de « mettre en perspective » le diagnostic d’il y a sept ans et de faire des propositions en se projetant sur les années à venir. Seule indication, Emmanuel Macron, après avoir défendu « un agenda de souveraineté » il y a sept ans, devrait plaider désormais pour un véritable « agenda d’Europe puissance ».

Le dogme libéral s’est érodé

Il est vrai que depuis, le contexte a changé. En 2022, l’Europe a connu le retour de la guerre à ses frontières. Elle a dû accueillir des millions de réfugiés, livrer des armes à l’Ukraine, adopter un vaste programme de sanctions contre la Russie, absorber un choc énergétique…

L’agression russe a mis au premier plan les questions de défense et de sécurité. « L’idée que l’Europe doit être en mesure de produire des armes chez elle fait désormais consensus pour l’ensemble des Européens. On a fait plus en sept ans pour l’Europe de la défense que durant les cinquante dernières années », juge Philippe Perchoc, chercheur à l’Irsem (Institut de recherche stratégique de l’École militaire) et spécialiste des questions européennes.

En 2020, l’Union européenne avait aussi traversé la crise du Covid. À cette occasion, elle a découvert sa dépendance vis-à-vis des fournisseurs de masques chinois et pris conscience que des aides d’État massives pouvaient être indispensables pour maintenir l’économie en état de repartir. Érodant au passage le dogme libéral.

Depuis, l’Europe s’est musclée : elle a cessé d’être seulement un grand marché poussant à toujours plus de libre-échange et de dérégulation pour se donner des outils afin de faire valoir ses intérêts ; l’Union européenne autorise désormais le soutien financier public à la création d’usines de batteries ou de pompes à chaleur ; elle passe des accords avec des pays tiers pour sécuriser ses approvisionnements en lithium ou en cobalt, des matières premières critiques ; elle introduit des clauses de réciprocité dans les accords commerciaux et désigne la Chine comme un « rival stratégique ».

La Commission européenne a gagné un rôle central pour faire face aux crises. Elle est également à l’initiative pour accélérer la transition énergétique. Un symbole de ces changements ? Le plan de relance européen de 750 milliards d’euros, décidé en juillet 2020, et financé par de la dette commune. Il est conçu pour soutenir la marche vers une économie neutre en carbone.

Les Allemands n’ont pas saisi la main tendue

Au moment de dresser un bilan de son action européenne, Emmanuel Macron souhaite prendre sa part de ces évolutions. Il peut en effet se prévaloir de quelques réussites. Un exemple : il y a sept ans, la question des travailleurs détachés empoisonnait le débat européen. Depuis, l’Europe a revu cette directive qui créait une concurrence interne à l’Union et une course au moins-disant social. On ne parle plus de ce sujet. Or la France a beaucoup poussé pour cette révision.

Emmanuel Macron peut aussi se vanter d’avoir été le premier à plaider pour une Europe plus souveraine. Cette idée était au cœur de son discours, il y a sept ans. Un grand nombre d’États européens s’y sont ralliés. Mais pas toujours les plus attendus. Il faut se souvenir qu’alors, Emmanuel Macron s’exprimait deux jours après les élections allemandes et tendait la main à Angela Merkel qui venait de remporter un quatrième mandat.

De plus, Emmanuel Macron suggérait à l’époque de passer à une Commission européenne de 15 membres, de créer 20 universités européennes, de lancer un « groupe de refondation européenne ». Rien de cela n’a vu le jour.

Si l’idée d’une Europe plus souveraine a gagné du terrain ensuite, c’est à la faveur de crises que l’UE a affrontées. « L’intuition du président, c’est que les moments de crise rendent possibles les avancées de propositions et des progrès significatifs », justifie un de ses conseillers.

Pour autant, Emmanuel Macron est-il en mesure de se poser à nouveau en champion de l’Europe, comme il a pu le faire il y a sept ans ? « Aujourd’hui, le chef de l’État n’a plus seulement un projet, mais aussi un bilan », nuance Yves Bertoncini, enseignant en affaires européennes. « Son diagnostic d’il y a sept ans était judicieux. Mais aujourd’hui, le niveau d’endettement de la France et son déficit commercial persistant entament la crédibilité de la parole de la France. Il n’est plus en mesure d’avoir la même posture prophétique. »

Le débat budgétaire ou le risque d’une nouvelle paralysie

Il faut aussi se souvenir qu’il y a sept ans, le débat budgétaire paralysait l’Europe. Les gouvernements s’affrontaient autour du respect des règles de déficit. Il mettait aux prises deux groupes de pays : ceux, dont la France, qui plaidaient pour davantage d’investissements européens face à ceux, dont l’Allemagne, qui demandaient d’abord le respect de l’équilibre des comptes. Ce débat a été mis entre parenthèses au moment du Covid. Mais il risque de revenir avec le même effet paralysant dans les prochaines années.

Toutefois, les Européens peuvent se réunir autour du défi posé par la guerre en Ukraine. « Ces dernières années, on a vu la France se réengager en Europe centrale, avec une présence militaire avancée des forces françaises en Estonie et en Roumanie. Dans le même temps, les pays d’Europe centrale, concentrés sur la menace russe, découvrent que l’Europe a aussi des intérêts ailleurs », note Philippe Perchoc.

Les Européens savent qu’en novembre prochain, les États-Unis pourraient choisir à nouveau Donald Trump, un président qui regardera moins vers l’Europe, et sera davantage préoccupé de contenir la Chine. Comment l’Europe peut-elle se préparer à cette éventualité ? C’est l’une des questions auxquelles ce deuxième discours de la Sorbonne doit apporter des réponses.

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