Dans l’enseignement supérieur, la criminalisation visant les manifestations de solidarité avec les Palestiniens continue de battre son plein. Six mois après le 7 octobre 2023, six membres ou ex-adhérents du syndicat Solidaires Étudiant·e·s à l’École des Hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris sont visés par une enquête préliminaire pour « apologie du terrorisme ».

En cause, semble-t-il, un communiqué syndical paru le 8 octobre, juste après les attaques terroristes menées par le Hamas. Sur le moment, ce texte rappelle le contexte politique de la colonisation israélienne, et apporte son soutien à la lutte « du peuple palestinien, dans toutes ses modalités et forme de lutte, y compris la lutte armée ». Il avait alors fait l’objet d’un signalement via la plateforme Pharos par la direction de l’EHESS.

Des étudiants interrogés par l’antiterrorisme et la police judiciaire

Pendant plusieurs mois, rien ne s’est passé… Mais depuis début février, les convocations se multiplient dans les locaux des groupes de lutte antiterroriste, un service de police rattaché à la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).

Plusieurs étudiants, élues dans les instances de l’EHESS, sont entendues en audition libre. L’une d’entre elles a déjà été reconvoquée une deuxième fois. « C’est vraiment très compliqué de comprendre ce qu’on nous reproche précisément, témoigne-t-elle auprès de l’Humanité. Pour nous, c’est fatigant, cela correspond à une forme de harcèlement qui nous oblige à ne nous occuper que de notre défense, sans plus pouvoir militer librement… »

Pour Me Antoine Comte, avocat des membres de Solidaires Étudiant·e·s à l’EHESS, « nous sommes face à une procédure policière où on ne nous dit rien… L’enquête préliminaire permet de ne pas donner connaissance des faits réellement reprochés aux personnes entendues ou à leur avocat. On nous parle de l’éternelle apologie du terrorisme. Je dis » éternelle « car elle n’est jamais définie. Quels sont les mots, les actes qui posent problème ? On ne nous dit pas. Si un juge d’instruction était saisi, il aurait l’obligation de désigner les propos ou des actes précis. Ce qui permettrait à la défense de s’exprimer dans les conditions contradictoires maximales. »

Un tempo policier qui interroge

En l’occurrence, pour les syndicalistes de l’EHESS, rien dans le communiqué originel ne devrait faire l’objet de poursuites. « Nous avons joué le jeu, nous nous présentons et nous répondons aux questions, ajoute une autre militante. Mais tout dans ce que nous avons écrit dans le communiqué correspond à des concepts validés par le droit international. » Me Antoine Comte corrobore : « Il n’y a pas un mot qui ne soit pas consacré par le droit international. Pis ! Ce qui est reproché aux étudiants, c’est ce que la France défend dans les enceintes internationales, qu’il s’agisse du conseil de sécurité ou de l’Assemblée générale des Nations Unies. C’est très choquant que des positions de droit externe puissent devenir sanctionnable en droit interne. »

Plus inquiétant encore : Solidaires Étudiant·e·s s’interroge sur le tempo dans le harcèlement policier. « Les convocations ont commencé à pleuvoir après que la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné à Israël de prévenir et punir tout acte de génocide en cours à Gaza, dénoncent les militantes interrogées par l’Humanité. C’est aussi une manière d’intimider les mouvements sociaux, et notamment dans la jeunesse, pour décourager les mobilisations dans l’enseignement supérieur, après avoir attaqué de nombreux chercheurs et universitaires spécialisés sur la Palestine dans une approche décoloniale. On a également vu depuis comment une affaire a été montée de toutes pièces à Sciences Po, début mars, dans le cadre de la mobilisation à l’appel de la Coordination universitaire européenne contre la colonisation en Palestine (CUCCP)… »

« Comme par hasard, et c’est très déplaisant de l’imaginer, tout ça survient après la décision de la CIJ, avance aussi Me Comte. C’est troublant car là, nous sommes face à une deuxième salve. À l’automne, il y avait plusieurs cas, où effectivement les déclarations pouvaient ne pas être satisfaisantes de mon point de vue, avec parfois des relents d’antisémitisme. Mais désormais, on est bien longtemps après. Certes, les services de police ne peuvent pas toujours être rapides, mais c’est quand même étonnant… Tout ça est très désagréable et très éloigné des libertés démocratiques, maintenant que ces questions d’apologie du terrorisme ont été sorties du droit de la presse et qu’elles ouvrent à des sanctions bien différentes, bien plus lourdes. »

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