Un avocat inscrit au barreau de Monaco et habitué à défendre ses clients s’est retrouvé dans la position inverse.

Après deux renvois en janvier et en mars, ce mardi 8 octobre était la bonne et l’ancien avocat de Yves Bouvier a comparu devant le tribunal de Monaco pour détention de bandes dessinées à caractère pédopornographique.

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Difficilement chiffrables, elles auraient été au nombre de 44 000 parmi une collection impressionnante comportant plus de 179 000 BD numérisées. Pour atteindre ces chiffres gargantuesques, l’homme explique avoir eu une période dans laquelle il téléchargeait compulsivement toutes les anthologies d’auteurs de BD sur des sites de téléchargement en peer to peer.

Pour se défendre, l’homme commence par évoquer un complot, au vu du climat politique dans lequel la perquisition s’est déroulée, avant d’avancer une deuxième piste sur la manière dont ces BD ont pu se retrouver sur son disque dur.

Une affaire qui remonte à 2015

Petit rappel des faits pour bien comprendre. En 2015 apparaissait un contentieux entre Yves Bouvier, marchand d’art suisse, et Dmitri Rybolovlev, résident monégasque et président de l’AS Monaco. Le milliardaire russe reprochait d’avoir été escroqué pour un milliard d’euros lors de la vente de tableaux de maîtres. Il avait alors porté plainte contre Yves Bouvier et Tania Rappo, connaissance des deux hommes, accusant cette dernière d’avoir agi comme intermédiaire et d’avoir profité de la situation pour s’enrichir.

Alors que différentes fuites dans la presse faisaient penser à des violations du secret d’instruction, Monaco avait lancé plusieurs perquisitions en 2017 pour en connaître le ou les auteurs. C’est ainsi que l’ancien avocat d’Yves Bouvier s’était fait perquisitionner, soupçonné d’avoir été à l’origine de la fuite dans les médias. Si l’expert mandaté ne retrouve aucune violation au secret d’instruction, il va cependant retrouver dans l’ordinateur de l’avocat le fameux dossier l’incriminant pour détention d’image à caractère pédopornographique et accession à une image ou une représentation d’un mineur présentant un caractère pornographique.

« Je fais l’objet d’une salve de représailles de la part des policiers. »

« Jusqu’à maintenant, les coups se sont soldés par des relaxes. Je fais l’objet d’une salve de représailles de la part des policiers. (…) Les policiers avaient des raisons de me mettre en cause. Ils n’auraient jamais dû toucher au dossier. Ils étaient mis en cause dans la plainte que j’avais déposée. Il y avait clairement un conflit d’intérêt. », se défend l’accusé lors de l’audience. « L’expert est sorti de sa mission », continue-t-il d’argumenter en précisant qu’il était initialement venu pour savoir d’où provenaient les fuites et la violation du secret d’instruction.

Ce à quoi répond la substitut du procureur en faisant le parallèle avec une perquisition physique : « C’est comme si je découvrais un cadavre dans le cadre d’une perquisition mais que je faisais comme si je n’avais rien vu. » 

« Je conteste avoir téléchargé volontairement ces fichiers. Je ne m’intéresse pas aux enfants, sauf pour les défendre ! », abonde le prévenu avant de lancer une nouvelle piste de défense : et si les fichiers étaient apparus lors des téléchargements compulsifs en provenance des sites de torrent ?

Une hypothèse que reprendra l’un des deux avocats de la défense appuyant que quiconque a déjà téléchargé en torrent sait qu’il est possible de retrouver des fichiers indésirables en provenance de l’ordinateur source partageant les fichiers, arguant qu’il est probable que ces fichiers proviennent d’un autre ordinateur qui a partagé des anthologies de BD. Au vu du nombre important de fichiers téléchargés, l’accusé affirme ne pas les avoir tous contrôlés.

Des journaux d’évènements détruits

Le prévenu affirme n’avoir jamais ouvert ces BD de sa vie avant cette affaire, les journaux d’évènements de son ordinateur auraient pu le prouver. Cependant, ces derniers ont été détruits par l’expert qui a effectué la copie de l’ordinateur de l’accusé.

« Le 1er expert a supprimé les journaux. Qu’est-ce que je fais là ? On a détruit la seule preuve qui m’innocentais ! », s’exclame l’avocat à la barre. L’expert n’aurait copié que 10 % du disque dur tout en bloquant le reste ne s’assurant pas de lever la sécurité. Une erreur que personne ne nie et que l’expert lui-même aurait avoué mais la substitut du procureur va aller plus loin en faisant remarquer au prévenu : « vous n’avez eu de cesse d’empêcher la copie totale et de mettre des bâtons dans les roues. Lorsqu’on est innocent, on collabore au maximum. »

Si la défense plaide la relaxe au « bénéfice du doute », la substitut du procureur, elle, requiert « une peine juste » de 3 mois d’emprisonnement avec sursis et une amende de 5000 €, reconnaissant que « détenir des images de synthèse n’a pas la même portée de dangerosité que des images réelles. » Elle ajoute qu’elle aurait souhaité disposer d’une expertise psychiatrique permettant de cerner le profil de l’avocat « à charge et à décharge » mais la demande n’en a pas été faite par les juges d’instructions.

L’annonce du verdict aura lieu le 5 novembre.

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