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Pour la reconnaissance, on repassera… La cour d’appel de Rennes a condamné le mari d’une gérante d’hôtel de Saint-Ouen-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) pour avoir falsifié la « lettre de mission » de leur avocat, afin de ne pas payer ses honoraires alors qu’il leur avait pourtant obtenu 1,2 million d’euros d’indemnisation à la suite de leur expropriation.

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Un couple d’hôteliers exproprié

Marie-Hélène X. était en fait gérante d’un hôtel situé au 21, quai de Seine, à Saint-Ouen-sur-Seine : elle était aussi propriétaire, avec son mari Abderrazak X., des murs de l’établissement par le biais d’une société civile immobilière (SCI). Mais leur terrain était situé en bords de Seine, dans la Zone d’aménagement concerté (ZAC) des Docks : leur parcelle avait donc été « déclarée cessible » pour « cause d’utilité publique » par les services de l’Etat le 25 mars 2016 en vue de « l’aménagement » de la ZAC.

Le couple avait donc mandaté un avocat rennais, Me Jérôme Bouquet-Elkaïm, pour contester l’affaire devant la justice administrative. En vain, puisque l’expropriation avait été jugée légale. L’avocat rennais les avait ensuite défendus devant le juge de l’expropriation, au civil, et avait fini par leur obtenir 1,2 million d’euros d’indemnités. 

Reste que l’avocat rennais avait « tout de suite » indiqué à ses clients « les conditions tarifaires de son intervention », et après discussion, il leur avait adressé « une troisième lettre de mission » pour fixer ses honoraires de base, de résultats et les frais qu’il avait engagés. Le couple avait accepté cette lettre de mission et l’avocat rennais s’était rendu à Saint-Ouen pour les rencontrer début novembre 2016 : ils avaient alors signé une convention d’honoraires. Me Jérôme Bouquet-Elkaïm avait donc suivi le dossier pendant deux ans. 

Les relances de l’avocat restent sans suite

Mais en mars 2017, « à partir du moment où tout le dossier en écriture avait été fait », le couple avait « refusé de payer la dernière facture » d’un montant de 1 500 euros. Leur avocat avait tout de même « continué à suivre le dossier jusqu’à la fin » et leur avait même obtenu ce « très bon résultat » d’un point de vue indemnitaire.

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Le contact était par la suite devenu de plus en plus « diffus », avait expliqué l’avocat rennais : il avait donc soldé ses honoraires sur la base de la convention signée avec eux et avait fixé son honoraire de résultat à 24 800 euros. Or, malgré ses relances, le couple n’avait « jamais voulu payer »… Ses clients avaient même saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de Rennes, et Me Jérôme Bouquet-Elkaïm s’était alors rendu compte que sa lettre de mission – produite par ses clients au président de l’instance ordinale rennaise – avait été « falsifiée » ! Une partie de page avait été découpée, précisément celle concernant « les frais et honoraires de résultat ». 

Me Jérôme Bouquet-Elkaïm avait donc « produit les originaux » et obtenu « la fixation de ses honoraires ». Mais ses clients « persistaient à contester » et avaient fait appel : il avait donc fait réaliser un constat d’huissier pour authentifier sa « lettre de mission » et avait déposé plainte contre eux pour « faux » et « usage de faux ».

Entendu par les policiers en janvier 2019, Abderrazak X. avait nié avoir « falsifié la troisième page en supprimant les douze premières lignes afin de ne plus faire figurer les frais et honoraires de résultat au bénéfice de leur avocat ». Il avait simplement « envoyé ce document au bâtonnier », sans l’avoir « falsifié », répétait-il. Selon lui, c’était même « l’original » produit par Me Jérôme Bouquet-Elkaïm qui avait dû être falsifié… Il ne lui serait pour sa part jamais « venu à l’esprit » de présenter « une convention falsifiée », s’était-il offusqué.

Peine doublée en appel

Sur le fond, l’homme de 69 ans avait soutenu que l’avocat rennais ne les avait « jamais défendus », qu’il n’avait « pas bien fait son travail » et qu’il souhaitait de toutes manières les « escroquer ». Devant les enquêteurs, sa femme avait adopté la même position : son « ex-conjoint » ne pouvait d’ailleurs « pas être impliqué » puisqu’elle « gérait toute la comptabilité ».

Mais le couple avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Rennes et, le 28 décembre 2022, ils avaient tous deux été reconnus coupables de « faux ». Abderrazak X. avait aussi été reconnu coupable pour « usage de faux » à deux mois de prison avec sursis et à l’obligation de réparer les dommages « dans un délai de six mois ». Sa femme avait pour sa part écopé d’une amende de 5 000 euros avec sursis.

En appel, la cour a prononcé la relaxe de la gérante de l’hôtel de Saint-Ouen-sur-Seine : si elle avait « connaissance de l’envoi de ce document (…) au bâtonnier (…), il ne résulte pas des pièces de la procédure d’éléments suffisamment probants permettant de démontrer avec certitude que celle-ci a participé activement au montage de cette lettre de mission ». Dans la mesure où elle n’avait jamais été poursuivie pour « usage », Marie-Hélène XXX a donc été totalement blanchie par la cour d’appel de Rennes, dans son arrêt du 5 septembre 2024.

En revanche, « la troisième lettre de mission communiquée le 30 mars 2018 au bâtonnier de l’ordre des avocats de Rennes est manifestement issue d’un montage réalisé par Abderrazak X. à partir des deux lettres de mission fournies par Me Jérôme Bouquet-Elkaïm », confirme le magistrat de la cour d’appel.

« En effectuant ce montage, Abderrazak X. (…) a nécessairement eu conscience d’altérer la vérité dans un document susceptible d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ». Il a « volontairement » fourni ce montage pour « faire croire qu’il n’y avait aucun frais ni honoraire de résultat ni perception de frais irrépétible », ce qui a « nécessairement » occasionné un « préjudice » à son avocat. Le juge a donc porté sa condamnation à quatre mois de prison avec sursis simple. Abderrazak X. devra aussi verser 800 euros à l’avocat rennais pour prendre en charge ses frais de justice dans ce volet de leur contentieux.

CB-PressPepper

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