Ancien ministre et président du Conseil constitutionnel, ce personnage-clé de la Mitterrandie est décédé mercredi à 101 ans, au terme d’une vie faite de mille facettes et d’autant de paradoxes.

« J’ai deux avocats : pour le droit, Robert Badinter, et pour le tordu, Roland Dumas ». Entrée dans la postérité, la cynique et corrosive formule de François Mitterrand sur celui qui a accompagné toute sa vie politique est celle qui définit le mieux ce personnage inclassable, décédé le 3 juillet à l’âge de 101 ans.

Journaliste, avocat, ministre des affaires européennes, puis étrangères sous les deux septennats Mitterrand, président du Conseil constitutionnel, Roland Dumas a mené mille vies, sans compter celles qui resteront à jamais inconnues, tant il avait de goût pour le secret.

Les yeux rivés sur la beauté des femmes

Et pour les paradoxes : ce fils de résistant né à Limoges, marqué par la mort de son père, fusillé par les Allemands, a toujours eu le cœur à gauche, l’esprit attiré par l’art et ses richesses, y compris trébuchantes, et les yeux rivés sur la beauté des femmes, qu’il était capable de séduire d’un air d’opéra.

« J’avais une jolie voix », rappelait-il en juin 2018, en recevant Midi Libre dans son appartement de l’île Saint-Louis, qui abrita avant lui l’atelier de la sculptrice Camille Claudel. Grâce à son goût pour le bel canto, il convainc Placido Domingo de chanter La Marseillaise au Panthéon le 21 mai 1981, pour l’investiture de Mitterrand.

Tout de clair vêtu au Panthéon en 1981

Roland Dumas apparaît ce jour-là flamboyant, tout de lin clair vêtu, parmi les sombres et très solennels costumes de circonstance. Lui seul pouvait se le permettre, vu ses liens anciens et étroits tissés avec le nouvel élu.

Député dissident SFIO dès 1956, avocat du Canard Enchaîné, Roland Dumas s’engage contre la guerre d’Algérie, traquant les affaires les plus sensibles pour ferrailler avec la droite au pouvoir, de Pompidou à Giscard d’Estaing. Aux Affaires étrangères, il se délecte à mener des missions en clair-obscur auprès du Palestinien Yasser Arafat, du colonel Khadafi, ou du sinistre Syrien Hafez-el-Assad. Il s’épanouit dans la Françafrique, courtise Omar Bongo et les richesses pétrolières d’Elf Aquitaine, qui le rattrapent en 1995, lorsqu’il succède à Robert Badinter à la tête du Conseil constitutionnel.

Il valide les comptes manifestement irréguliers de Jacques Chirac

Il y valide les comptes de campagne manifestement irréguliers de Jacques Chirac, qui auraient pu invalider son élection. Mais il doit quitter ce poste quatre ans plus tard, à cause de ses relations avec Christine Deviers-Joncour, une affairiste qui se surnommait elle-même « La putain de la République », embauchée par Elf, et qui lui offrait des bottines Berlutti sur mesure, à 2 500 € la paire.

L’avocat Dumas sera aussi mis en cause dans une obscure histoire d’honoraires dont il sera blanchi avec l’ex-maire de Pont-Saint-Esprit Gilbert Baumet, à Nîmes, en 2017. Mais il est aussi condamné pour abus de confiance dans la succession du sculpteur Alberto Giacometti, dont il était l’exécuteur testamentaire.

Devenu l’avocat de Pablo Picasso

Car Roland Dumas était aussi passionné par l’art : après 1965, il devient l’avocat de Picasso, séduit par ce brillant juriste, qui déconseille au peintre de faire un procès à son ex-compagne, Françoise Gilot. « C’était resté dans la tête de Picasso, qui avait quand même fait ce procès, qu’il avait perdu » racontera-t-il en 2018.

Alors Picasso lui confie ses affaires, et l’avocat vient le voir peindre, à Vallauris. « Il m’admettait dans son atelier pendant qu’il peignait, ce qu’il ne faisait qu’avec très peu de gens. Il disait : « Reste là, tu ne bouges pas, tu ne dis rien. » Il travaillait vite, et il se reposait longtemps. Il m’appelait Alexandre parce que Dumas, pour lui, c’était Alexandre Dumas ».

« La bataille de ma vie dont je suis le plus fier »

Picasso lui confie surtout la mission d’empêcher Franco de mettre la main sur Guernica, son chef-d’œuvre peint à Paris en 1937, et conservé ensuite au Moma de New-York. « Ce fut une grande bataille, celle de ma vie, dont je suis le plus fier » racontait-il, ayant assuré en 1981 le retour du tableau au Prado. Tout en avouant une autre étonnante mission, accomplie en 1973 à la mort du peintre, qui dessinait dans ses derniers jours de façon compulsive des sexes féminins. Jacqueline, l’épouse du peintre, ne voulait pas voir ces oeuvres-là entrer dans la postérité.

« On les a descendues dans la cheminée, mais elle disait : « Je n’ose pas. Pablo, c’est sacré, c’est mon soleil ». Elle a craqué l’allumette et me l’a donnée, et je les ai brûlées » reconnaissait Roland Dumas, qui emporte dans l’au-delà tant d’autres secrets si longtemps protégés.

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