L’objectif du rapport est clairement posé, d’emblée : le but n’est pas de réfléchir à l’ouverture des capitaux des cabinets en tant que tels, mais bien de de voir comment le CNB peut accompagner les avocats dans le financement de leurs activité commerciales dérogatoires [2], y compris avec l’ouverture du capital des sociétés dédiées à ces activités.

Sur les activités commerciales dérogatoires, lire : Les activités dérogatoires de l’avocat, entre compétitivité et épanouissement professionnel

Les constats de la Commission prospective et innovation.

Sur le marché de la legaltech et la place des avocats :

  • le développement du marché des legaltech se fait majoritairement par des dirigeants non-avocats ;
  • les avocats innovants ont tendance à quitter la profession pour se consacrer pleinement au développement de leur legaltech, notamment pour des questions de financement (auditions réalisées sous la précédente mandature) ;
  • en 2023, les (anciens) avocats étaient présents au capital de 2/3 des legaltechs et plus d’1/3 étaient dirigées par un (ancien) avocat (Données France Digitale juillet 2023 [3]).

Sur le financement de la legaltech :

  • selon les projets, le développement des nouveaux outils et services suppose des moyens de financement substantiels (plusieurs centaines de milliers, voire des millions d’euros) ;
  • pour les startups récemment créées :
    • l’auto-financement est souvent limité,
    • le financement par prêt bancaire difficile à obtenir,
    • le recours à des investisseurs extérieurs est fréquent (financement par la dette ou en capitaux propres), avec des critères de choix différents de ceux des banquiers ( business plan, qualité du dossier, expérience et complémentarité des créateurs, place disponible sur le marché pour le produit ou service proposé, caractère réellement innovant de l’offre, etc.).

Les propositions de la Commission prospective et innovation.

Comme le souligne le présent rapport, « pour rester concurrentiels, les avocats doivent pouvoir financer leurs projets de manière adéquate ». Un plan d’action en 4 étapes est proposé par la Commission prospective & innovation.

1) Redynamiser le RNIB.

L’objectif du Réseau National des Incubateurs des Barreaux (RNIB), créé en 2018, était de coordonner les différentes initiatives réalisées au niveau national. Mais comme le constate le groupe de travail, « ce réseau informel fondé sur les énergies individuelles n’est plus en fonctionnement depuis plusieurs années ».

Il est donc proposé de coordonner les différents incubateurs par l’intermédiaire de la commission Prospective et Innovation, afin de créer les synergies nécessaires au niveau national.

Pas de gouvernance commune en vue, mais des actions telles que l’organisation de réunions périodiques pour mettre en avant les projets à l’occasion des évènements du CNB, la mise en commun des initiatives locales par un espace de stockage de données pour partager les expériences locales, etc.

2) Créer une bourse French Legal tech.

Actuellement, chaque barreau organise son propre hackathon ou concours, et le CNB organise, en parallèle, chaque année son concours projets innovants. Ces financements sont utiles, mais ils restent insuffisants pour constituer un véritable soutien financier aux projets innovants.

Il est donc proposé de donner davantage d’ampleur au concours du CNB en créant une « bourse french legal tech », sur le modèle de la bourse French Tech attribuée par la BPI et qui servirait en pré-amorçage.

Dans la continuité de l’étape 1 (RNIB), une cagnotte collecte pourrait être organisée pour rassembler un financement substantiel (20-30 k€). Grâce à un accord avec la BPI, il servirait d’effet de levier pour lancer les sociétés et financer les premières étapes de développement (early stage pré-seed). Les modalités de ce financement pourraient inclure des contributions institutionnelles, du crowdfunding, ou d’autres sources similaires.

La Commission appelle également de ses vœux une clarification des critères de reconnaissance et d’attribution des aides, « en vue de résoudre les freins à la reconnaissance des profils d’avocats entrepreneurs pour garantir un traitement équitable ». La BPI Île-de-France considèrerait par exemple qu’un avocat mandataire social d’une legaltech sous forme de société dédiée, n’a pas suffisamment de temps pour se consacrer à son projet entrepreneurial, ce qui amène régulièrement à un refus de dotations. Il semblerait également que les avocats entrepreneurs soient traités différemment selon la domiciliation de leur société (Paris ou en régions).

3) Se financer entre avocats (véhicule d’investissement).

L’un des moyens pour financer son activité accessoire est d’ouvrir et d’augmenter le capital des sociétés. Ces opérations sont aujourd’hui principalement réalisées grâce aux réseaux personnels des avocats, souvent par l’intermédiaire de fonds propres (love money) ou de Business Angels. La Commission propose de permettre aux avocats de France de financer des projets innovants portés par leurs confrères et consœurs, sur l’ensemble du territoire national, avec le soutien et l’organisation du CNB.

Au vu de la réglementation applicable aux activités d’investissement [4] et des spécificités des legaltech des avocats (notamment au regard la déontologie), le ou les schémas d’investissement les plus adaptés seraient les suivants :

  • Offre au public de titres financiers (actions/obligations) ;
  • Placement privé, selon le règlement Prospectus ;
  • Création de fonds d’investissement, selon la directive AIFM ;
  • Financement via une plateforme de financement participatif, selon le règlement PSFP.

Dans ce cadre, la Commission attire l’attention sur le fait que l’intervention du CNB devra se faire sans exercer une quelconque activité de commercialisation de titres financiers, comme le conseil en investissement ou le démarchage.

Option 1 : proposer aux avocats une solution clé en main, via des plateformes de financement participatif (PSFP) bénéficiant de l’agrément requis.

Avantages :

  • bénéficier d’une infrastructure financière complète, incluant des vérifications KYC et des processus bancaires sécurisés ;
  • toucher un large public d’investisseurs potentiels (à travers de de campagnes de financement en ligne par exemple).

Cela étant, comme le reconnaît la Commission, les levées de fonds via ces plateformes sont actuellement limitées à 5 millions d’€ par projet, et nécessitent une collaboration étroite avec le prestataire de services de financement participatif (PSFP).

Option 2 : proposer un financement aux confrères par l’intermédiaire d’une société commerciale de droit commun, comme CNB services (ou un nouveau véhicule dédié à créer).

Avantages :

  • formuler une offre à un groupe restreint d’investissements (conformément à CMF, art. L. 411-2 sur les placements privés) ;
  • éviter les complexités liées à une offre publique.

Toutefois, il faudra tenir compte de la limite de l’offre de titres financiers à un maximum de 149 personnes, sauf exceptions (investisseurs professionnels par exemple).

4. Créer un fonds d’investissement.

Certaines professions réglementées se sont déjà dotées de fonds d’investissement (experts-comptables [Darkarys] & notaires [ADNEXUS] [5]). Certains syndicats d’avocats (ACE et FNUJA notamment) suggère d’ailleurs depuis un moment la création d’un fonds d’investissement à destination de la profession.

Dans le prolongement de l’étape 3 (financement via un véhicule d’investissement), la Commission considère qu’un fonds d’investissement pourrait en effet investir dans des sociétés d’avocats dédiées développant une legaltech ou tout autre type d’innovation (qui, comme on le sait, concerne également des projets d’innovation sociale ou environnementale).

La création d’un tel fonds d’investissement exige un travail approfondi, notamment pour tenir compte des éléments suivants :

  • prise en compte de la diversité des modes d’exercice de la profession par rapport aux avantages susceptibles d’être développés par de tels projets ;
  • l’étude des initiatives passées ou en cours menées par la profession (CNB/Barreau de Paris/Conférence des bâtonniers) ;
  • consultation avec des auditions approfondies et circonstanciées, des différents acteurs pertinents (continuité des travaux de la précédente mandature).

La création d’un fonds d’investissement supposera également d’en fixer le cadre, en lien avec le Barreau de Paris et la Conférence des Bâtonniers, pour définir :

  • la gouvernance du fonds ;
  • son financement ;
  • les sociétés cibles susceptibles d’être éligibles ;
  • les modalités de sélection des sociétés cibles ;
  • les conditions d’attribution des financements.

Les pistes sont donc prometteuses. Un nouveau rapport sera soumis à l’Assemblée Générale du CNB « dans les meilleurs délais », lorsque des solutions concrètes auront été établies par la commission PI, en lien avec le Bureau. Affaire à suivre donc !

Le sujet du financement de la Legaltech par et pour les avocats fera l’objet d’une conférence au Congrès « RDV des Transformations du droit » en novembre 2024, proposé par le Village de la justice. Pré-inscription gratuite ici pour être informé(e).

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