Résistant, avocat, député socialiste, ministre sous François Mitterrand, président du Conseil constitutionnel, Roland Dumas s’est éteint ce mercredi 3 juillet. Connu pour ses coups de génie autant que ses déboires, il avait 101 ans. Retour sur une vie de coups de gueule, de coups de génie et de scandales. 

1944, Brantôme (Dordogne). Georges Dumas, fonctionnaire des impôts et membre de l’armée secrète est fusillé par la Légion nord-africaine. Un an plus tard, la France fête la Libération et c’est son fils Roland, vingt-trois ans et membre des Mouvements unis de la Résistance (MUR), que l’on envoie reconnaître le corps.

Lui aussi s’est battu contre les nazis : boycotts, transport d’armes pour la résistance, arrestation puis évasion du fort Barraux en 1942, décoré de la Croix-de-Guerre et de la croix du combattant volontaire ; lui aussi a vu la mort, la misère, les bombardements, son pays se faire envahir, violenter, martyriser ; autant de cauchemars qui forgeront sa carrière et justifieront les causes qu’il défendra à partir de 1953, alors jeune avocat aux côtés de Robert Badinter.   

D’abord avocat de François Mitterrand lors du procès de l’Observatoire, il défend par la suite des membres du FLN – se liant d’amitié à cette époque avec Jacques Vergès – notamment les réseaux Jeanson (communistes pro-FLN) : son combat pour la décolonisation et la liberté des peuples font de lui un iconoclaste aux yeux des politiques au pouvoir, rôle qu’il conservera tout au long de sa carrière d’avocat, si bien qu’il s’attire les faveurs de nombreux artistes (Chagall, Picasso, Braque…), politiques (Kadhafi), penseurs et philosophes (Lacan) ; il sera également l’avocat du Canard Enchaîné dans les années 1970.  

Roland Dumas le politique

Comme son copain Vergès et sa « stratégie de rupture », Dumas ne plaide pas, il fait de la politique. Engagé à gauche, il devient député de Haute-Vienne de 1956 à 1958, se prononce contre le traité de Rome (création de la CEE et Euratom) en 1957, puis est élu député de Corrèze de 1967 à 1968. Proche depuis des années de François Mitterrand, il le soutient en 1981, alors député de Dordogne (1981-1984, puis 1986-1988).

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Lorsque le président socialiste est élu, il fait partie de la délégation qui l’accompagne déposer une rose au Panthéon. Mais dans ce cortège de costumes gris et de lèvres pincées, Roland Dumas se démarque : costume beurre frais – il dira dans son livre « Coups et blessures » qu’ayant passé la nuit chez une amie, il n’avait pas eu le temps de se changer -, mèche en arrière, c’est un original. Dès lors, tous les regards sont braqués sur lui. 

1983 : la bascule. François Mitterrand lui confie le ministère des Affaires européennes jusqu’en 1984 ; il intervient notamment auprès de Mouammar Kadhafi en 1983 afin d’éviter une invasion du Tchad, travaille sur le conflit israélo-palestinien – se prononçant pour la création d’un Etat palestinien.

Après une pige de cinq mois comme porte-parole du gouvernement en 1984, l’avocat devient ministre des Relations extérieures de 1984 à 1986, puis ministre d’Etat et ministre des Affaires étrangères de 1988 à 1993, période marquée par la réunification allemande et la chute de l’URSS.  

Les années 1990, les années scandales

Un an plus tard, sa carrière – et son image – se détériorent lorsque l’« affaire Elf » éclate au grand jour. Des centaines de millions d’euros détournés, un vaste réseau de corruption (mêlant politiques, hommes d’affaires, chefs d’Etat africains) est démantelé et Roland Dumas est dans collimateur de la juge Eva Joly. Condamné, il sera ensuite relaxé en appel en 2003 puis innocenté.

Autre épisode mémorable : l’affaire des « chaussures Berluti » offertes par sa maîtresse Christine Deviers-Joncourt – la « putain de la République » comme elle s’est surnommée – avec la carte bleue d’Elf et qui a scandalisé les magistrats et l’opinion publique.    

Entre temps, de 1995 à 2000, il est nommé président du Conseil constitutionnel, et, là aussi, on lui reprochera d’avoir fermé les yeux sur les comptes de campagne d’Édouard Balladur d’abord, puis ceux de Jacques Chirac en 1995. Cette décision, floue et controversée, il reviendra dessus en 2015 dans un entretien donné au « Figaro » : « Je peux le dire aujourd’hui, les comptes de campagne d’Edouard Balladur et ceux de Jacques Chirac étaient manifestement irréguliers. »  

Commentateur sans scrupules

Homme à femmes – lire « Coups et blessures » -, avocat brillant, rebelle, polémiste, Roland Dumas intervient ensuite dans les médias et donnent son avis sur certains sujets, notamment la géopolitique. Grand critique de l’Union européenne et de la gouvernance étasunienne, il déclare en 2021 à la RTS : « Notre grande erreur a été de faire l’Europe… les Allemands étant obsédés par l’OTAN et le bouclier américain. »

La vie de Roland Dumas peut se résumer ainsi : la politique partout, tout le temps ; rien que la politique. Comme disait Mitterrand : « J’ai deux avocats : Badinter pour le droit, Dumas pour le tordu ». 

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