Dans un communiqué paru jeudi, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles s’était désolidarisée de l’avocat, après la polémique provoquée par sa défense d’un homme jugé coupable d’agression sexuelle contre sa fille.
L’avocat Bruno Questel a annoncé vendredi sa démission du collège directeur de la Ciivise, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. La polémique enflait, alors qu’il lui était reproché d’avoir assuré la défense d’un homme condamné à 10 mois de prison pour inceste par le tribunal d’Évreux le 16 mai dernier. Rendue publique par l’hebdomadaire Le Courrier de l’Eure , son implication dans le procès a fait réagir les acteurs de la lutte contre l’inceste et pour la protection des enfants.
C’est en 2021 que la jeune plaignante au cœur de l’affaire subit des attouchements de la part de son père, défendu à la barre par Bruno Quesnel. Dans un témoignage livré aux enquêteurs et retranscrit par Le Courrier de l’Eure, elle raconte que le soir de l’agression, son père, ivre, l’emmène avec son frère chez leur grand-mère paternelle à Grand Bourgtheroulde (Eure) après une dispute avec sa compagne. «Nous avons tous dormi ensemble. Et, à 3 heures du matin, il a passé une main sur le haut de mon dos puis dans ma culotte et m’a touché les fesses. Il a ensuite dit : “merde, elle va tout dire à sa mère !”. Depuis, je n’en ai jamais parlé. » L’adolescente sombre alors dans une longue dépression ponctuée d’actes d’automutilations qui durera jusqu’à ce qu’elle révèle la vérité à sa cousine, deux ans plus tard en 2023. Au procès, le père nie, puis affirme ne se souvenir de rien. Il est finalement reconnu coupable et inscrit dans le registre des auteurs d’infractions sexuelles.
«S’il a commis une faute, c’est d’avoir dormi avec sa fille»
Défendant les qualités de son client «artisan dans le bâtiment», «tous les jours sur la route» et n’ayant «jamais été contrôlé avec un seul gramme d’alcool dans le sang », Bruno Questel s’est justifié d’avoir défendu son client en ces termes : «J’ai accepté d’assurer sa défense car je ne sais pas. On ne sait pas ce qui s’est exactement passé. Ce qui est sûr, c’est qu’il est meurtri et en souffrance et qu’il est très malheureux de ne pas voir ses enfants. S’il a commis une faute, c’est d’avoir dormi avec sa fille. »
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Sur X, l’association Osez le Féminisme s’insurge : «Le nouveau président de la Ciivise Bruno Questel est l’avocat d’un père incestueur, coupable d’avoir agressé sexuellement sa fille. Vous pensez qu’il va vraiment pouvoir incarner la lutte contre la pédocriminalité et accueillir la parole des enfants incestés ?» . L’association Face à l’Inceste annonce quant à elle sur Instagram se désolidariser des propos de Bruno Questel et appelle à ce que «chacun des membres de la commission et de son collège directeur soit pleinement aligné sur les valeurs de la Ciivise». D’autres associations telles que L’Enfant Bleu ou Colosse aux pieds d’argiles annoncent de leur côté leur démission de la Commission gouvernementale.
Dysfonctionnements et défauts de gouvernance de la Ciivise
Pour Simon Latournerie, directeur général adjoint de Colosse aux pieds d’argile et membre de la Ciivise, le dysfonctionnement de la Commission est global. «Cela fait plusieurs mois que nous constatons une incapacité de la Ciivise à fonctionner correctement et un défaut de gouvernance», déclare-t-il au Figaro. Outre cette actualité concernant Bruno Questel, il dénonce des moyens inadaptés aux enjeux et à l’ampleur du défi. «Concrètement, détaille-t-il, le budget pour l’ancienne Commission ces trois dernières années était significatif, il s’élevait à plus de deux millions d’euros. Le budget aujourd’hui est de 190 000 euros.» Quant aux moyens humains alloués, «on était une dizaine d’emplois et maintenant quatre emplois maximum». Un contexte qui pousse finalement l’association vers la sortie: «Le gouvernement n’a pas su se saisir de l’agenda pour donner les moyens à la commission de s’investir pleinement dans le travail. Nous avons pris nos responsabilités et avons décidé de nous retirer de la Ciivise pour nous mobiliser pleinement de notre côté», conclut-il.
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La Ciivise, de son côté, a fini par réagir dans un communiqué de presse publié le 23 mai. En plus d’un soutien témoigné aux victimes d’inceste, elle annonce qu’elle «se désolidarise des propos de l’avocat Bruno Questel et poursuit ses travaux, guidée par l’intérêt supérieur de l’enfant». Pour Arnaud Gallais, ex-membre de la Commission, cofondateur de l’association Mouv’Enfants et auteur du livre «J’étais un enfant» dans lequel il relate son vécu de l’inceste, cette réponse relève d’une «culture du déni». «La seule réponse de la Ciivise dans son communiqué, c’est “on continue, la situation est sous contrôle”», explique-t-il au Figaro. «Comment peut-on lutter contre la culture du déni et de l’omerta dans ce pays, pour la fidélité envers les victimes, pour la mise en place d’une culture de la protection des enfants, si l’on cultive soi-même ce déni ?» Et d’ajouter: «Je ne reproche pas à Bruno Questel d’être avocat, mais est-ce compatible avec des fonctions de direction de la Ciivise ?».
Cela n’est pas la première fois que la Ciivise se trouve dans la tourmente. Au mois de novembre 2023, après le renouvellement de sa gouvernance, beaucoup avaient pointé du doigt une éviction injustifiée de son président Édouard Durand, très apprécié pour sa franchise et son engagement total pour les droits des enfants. Pour Arnaud Gallais, les événements en cours sont aujourd’hui «une résultante de cette incompréhensible éviction d’Édouard Durand».
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