L’avocat William Bourdon, à Paris, le 4 septembre 2024. L’avocat William Bourdon, à Paris, le 4 septembre 2024.

L’enquête judiciaire sur les ingérences étrangères ouverte dans la foulée du projet « Story Killers » se poursuit. Plusieurs interrogatoires sont prévus à la fin du mois de septembre par les juges d’instruction chargés du dossier, ouvert au début de 2023 à la suite des révélations du Monde, de Forbidden Stories et d’un consortium de médias internationaux sur les coulisses de campagnes internationales de dénigrement et d’influence.

Les enquêteurs sont encore loin d’avoir tiré tous les fils d’un dossier qu’une source judiciaire qualifie de « tentaculaire ». Si l’instruction a fait émerger des pistes en lien avec le Kazakhstan, le Soudan et le Cameroun, l’influence qatarie est aujourd’hui le pan le plus important de ce vaste dossier d’ingérences. Selon les informations du Monde, l’émirat est désormais soupçonné d’avoir financé plusieurs campagnes contre des personnalités importantes des régimes saoudiens et émiratis, rivaux du Qatar, en s’appuyant sur le système judiciaire français.

L’enquête s’intéresse notamment à une plainte pour « torture » déposée contre le général saoudien Ahmed Al-Assiri, en lien avec l’assassinat de l’ancien éditorialiste et opposant Jamal Khashoggi, ainsi qu’à des plaintes visant le général émirati Ahmed Al-Raisi, alors pressenti pour prendre la présidence d’Interpol, pour « torture » et « actes de barbarie » à l’encontre du poète émirati Ahmed Mansour.

Deux bailleurs de fonds providentiels

Ces plaintes ont été déposées à Paris entre avril 2021 et janvier 2022 pour le compte de l’ONG Gulf Centre for Human Rights (GCHR) par le pénaliste français Me William Bourdon. « Nous avons rencontré M. Bourdon en mars 2021, et nous lui avons fourni des informations sur la situation de notre collègue Ahmed Mansour, et des informations sur la torture et le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, explique Khalid Ibrahim, le directeur exécutif du GCHR. Il a mis beaucoup d’énergie dans ces deux dossiers. Nous ne lui avons rien payé : il agissait pro bono [bénévolement]. »

En réalité, Me Bourdon, connu notamment pour son engagement dans des dossiers de « biens mal acquis » et de défense des droits de l’homme, a été rémunéré à cette occasion par l’islamologue Nabil Ennasri et le lobbyiste Jean-Pierre Duthion, tous deux mis en examen pour « corruption » et « trafic d’influence » pour leur rôle supposé dans des opérations d’influence pro-Qatar. Le Parisien et Libération évoquaient en octobre 2023 une somme de 20 000 euros reçue en espèces par Me Bourdon pour ces procédures. Des éléments consultés par Le Monde, dont une note rédigée par M. Ennasri dans son téléphone portable, évoquent bien un versement « total de 20 [000 euros] pour l’opération Mansour » à destination de l’avocat, désigné sous les termes « William », « Bourdon », ou encore « Abeille ». Mais le document retrouvé par les enquêteurs mentionne également un paiement pour la plainte contre le général saoudien Al-Assiri : « Le 2 avril, 5 [000 euros] ont été donnés comme avance à Bourdon Al-Asiri plainte. »

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