l’essentiel Le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’autorisation environnementale de l’A69, malgré un chantier bien avancé. Une décision inédite qui pourrait influencer d’autres grands projets d’infrastructure en France ?

Le chantier de l’autoroute A69 a été arrêté ce jeudi 27 février à la suite du jugement du tribunal administratif de Toulouse. Un « coup de tonnerre » juridique pour Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement et professeur associé à l’université Paris Panthéon-Sorbonne.

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Me Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement et professeur associé à l’université Paris Panthéon-Sorbonne.
Me Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement et professeur associé à l’université Paris Panthéon-Sorbonne.

LA DEPECHE DU MIDI : Le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’autorisation environnementale de l’A69 alors que le chantier était déjà bien avancé. Pourquoi parlez-vous d’un « coup de tonnerre juridique » ?

Arnaud Gossement : Il s’agit d’un événement inédit qui bouleverse les équilibres, qui pourrait être un tournant dans la manière dont la justice contrôle la légalité de grands projets d’infrastructure. Sur l’A69, c’est la première fois que le juge administratif annule l’autorisation d’un grand projet de ce type alors que les travaux sont dans leur dernière phase. On peut dire que les deux tiers ont été réalisés. Et c’est vrai que parmi les juristes, il y a longtemps eu cette idée qu’un grand projet de cette envergure déjà construit ne s’annule pas. Il y avait une forme de pression sur eux. Qu’on soit d’accord ou pas avec les juges, ils ont fait preuve d’indépendance car au sein du même tribunal administratif, ils n’ont pas tous été d’accord entre eux. A quatre reprises, les juges des référés ont laissé les travaux avancer, avant cette dernière décision.

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« Si victoire il y a, ce n’est qu’une victoire d’étape, un peu comme au Tour de France »

Une telle décision peut-elle avoir un impact sur d’autres dossiers de ce genre à l’avenir en France ?

Il faut être extrêmement prudent car la procédure n’est pas terminée. Un appel va être déposé par l’Etat avant probablement un pourvoi en cassation, ça va prendre encore trois ans environ. Personne ne peut pas savoir ce qu’il va se passer. Raison pour laquelle je me refuse à employer le terme d' »historique » pour un jugement qui n’est pas définitif. Personne ne peut crier victoire ou défaite. Et si victoire il y a, ce n’est qu’une victoire d’étape, un peu comme au Tour de France. Il reste encore des cols à franchir pour connaître l’épilogue de ce dossier A69.

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Ce jugement pourrait-il influencer néanmoins d’autres projets similaires ?

Tout dépend des circonstances. Ici, le tribunal administratif a été saisi sur une question relative à la protection des espèces protégées. Ce qui s’apprécie au cas par cas. Pour l’A69, dès le début, deux avis défavorables ont été émis par des instances majeures indépendantes : l’Autorité environnementale et le Conseil national de protection de la nature. Et quand on regarde la jurisprudence, on remarque que les avis de ces deux autorités sont très souvent suivis. Ce qui, de facto, faisait peser un vrai risque juridique, d’annulation, alors que les porteurs du projet ont voulu aller très vite dans la construction de l’autoroute.

L’Etat et le concessionnaire Atosca faisant appel de cette décision, les travaux pourraient-ils reprendre rapidement si la cour administrative d’appel ordonne le sursis à exécution du jugement ?

C’est une hypothèse. La cour administrative d’appel n’a pas de délai pour statuer sur cette demande. D’expérience, ça prend au minimum trois mois. Il faut instruire la demande, enregistrer l’appel de l’autre côté, permettre à toutes les parties de s’exprimer…

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Ça peut aller jusqu’à un an. La plupart du temps, les juges préfèrent se concentrer sur la requête d’appel et le sursis à exécution est jugé en fin de procédure, souvent pour être rejeté. Ça arrive néanmoins qu’il y ait des sursis à exécution. Et là, sur l’A69, on est dans un dossier tellement extraordinaire que j’imagine que ce sursis va être instruit, mais avec quelle suite ?

« L’environnement était sans doute moins débattu par le passé »

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Aujourd’hui, le droit environnemental prend-il un poids croissant dans les décisions de justice ?

Ce n’est pas le droit qui évolue. La règle appliquée sur l’A69 par le tribunal administration à propos de la protection des espèces date de 1976. Ça fait déjà un moment donc que la règle de droit existe. Simplement, elle était sans doute moins débattue par les parties, moins regardée par les juges auparavant. Ce qui change en fait, c’est la situation environnementale et les alertes des scientifiques qui finissent par percer les murs des tribunaux pour être entendus par les juges.

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