Le candidat à la présidence du parti Podemos, Venancio Mondlane, lors d’une conférence de presse à la sortie d’un bureau de vote à Maputo, le 9 octobre 2024, lors des élections générales au Mozambique. Le candidat à la présidence du parti Podemos, Venancio Mondlane, lors d’une conférence de presse à la sortie d’un bureau de vote à Maputo, le 9 octobre 2024, lors des élections générales au Mozambique.

Le principal opposant mozambicain, Venancio Mondlane, a accusé mardi 22 octobre les forces de sécurité d’avoir assassiné son avocat, Elvino Dias, abattu au cours du week-end alors qu’il préparait un recours contre des fraudes lors des élections générales du 9 octobre.

Ce scrutin pour élire le président et le Parlement est entaché par des « altérations injustifiées des résultats des élections au niveau des bureaux de vote et des districts », ont estimé mardi les observateurs de l’Union européenne (UE), au langage d’ordinaire prudent, à quelques jours, théoriquement, de l’annonce des résultats officiels.

Se revendiquant vainqueur face au Frelimo, parti au pouvoir depuis un demi-siècle, Venancio Mondlane a appelé à « paralyser » le pays d’Afrique australe jeudi et vendredi, annonçant qu’une « opportunité, un climat, une atmosphère révolutionnaires se présentent ».

La tension pourrait s’intensifier dès mercredi avec l’enterrement d’Elvino Dias. L’avocat de Venancio Mondlane a été pris dans une embuscade et tué à bout portant dans la nuit de vendredi à samedi à Maputo, quand sa voiture a été bloquée par deux véhicules dont ont surgi des hommes armés.

« Réduire au silence la démocratie »

« Cela ne fait aucun doute, ce sont les forces spéciales qui ont tué Elvino de vingt-cinq coups de feu », a asséné l’opposant charismatique lors d’une vidéo diffusée en direct sur Facebook. « Cela n’a rien à voir avec une affaire passionnelle, il s’agit d’un crime commis par les forces de défense et de sécurité », a-t-il affirmé, accusant la police de lier le double meurtre au règlement de comptes d’un mari jaloux. Un autre passager a été tué, Paulo Guambe, un responsable du parti Podemos qui a soutenu la candidature à la présidence de celui que son jeune électorat nomme simplement « Venancio ».

Selon les évêques catholiques du Mozambique, l’embuscade visait « à réduire au silence, si ce n’est la vérité, du moins la démocratie ». Ils ont aussi relevé « une fraude flagrante » lors des élections du 9 octobre. « Les irrégularités et les actes frauduleux, perpétrés à grande échelle en toute impunité, ont renforcé le manque de confiance dans les institutions électorales », a déploré l’archevêque Inacio Saure dans un communiqué.

Après un appel à la grève générale lundi, qui s’est traduit par des opérations « ville morte » dans plusieurs agglomérations, notamment Maputo et Beira, l’ancien animateur radio de 50 ans a lancé ce qu’il appelle une « deuxième étape » de sa « feuille de route révolutionnaire » pour protester contre les « résultats profondément faux » que doit annoncer prochainement la commission nationale électorale (CNE). Interrogée par l’Agence France-Presse (AFP), une responsable de la CNE n’était pas en mesure de préciser la date de cette annonce mais, théoriquement, elle doit intervenir dans les quinze jours après le scrutin.

« Dans la rue pour manifester »

Les obsèques d’Elvino Dias, dans les environs de la capitale, risquent d’être « un premier point chaud. Les forces de sécurité vont probablement surréagir », commente un analyste sous couvert d’anonymat. L’enterrement de Paulo Guambe devrait, lui, se dérouler jeudi « avec la déclaration des résultats électoraux », selon cette même source qui estime qu’au vu de la tension cette annonce pourrait être retardée.

A la différence de lundi, quand il avait appelé les Mozambicains à « rester à la maison », Venancio Mondlane a cette fois demandé à descendre « dans la rue pour manifester avec des pancartes ». « Et cette fois-ci, mes frères, nous n’aurons pas de points de ralliement comme avant, où ils envoient des blindés, a-t-il prévenu. Les 154 districts du Mozambique doivent aller manifester. »

Celui qui ne quitte plus son polo jaune et son gilet sans manches dans ses vidéos distillées quotidiennement sur les réseaux sociaux pour informer ses partisans de son décompte parallèle se dit sûr que sa tête est « mise à prix ». Il devait initialement diffuser sa vidéo en direct lundi soir avant d’annoncer qu’il reportait l’exercice parce qu’il était dans un « lieu non sûr ». Il est « essentiel que tous les candidats bénéficient de mesures de protection rigoureuses en cette période postélectorale », avait déclaré samedi l’UE dans un communiqué. Les observateurs de cette dernière ont appelé mardi « au respect des libertés fondamentales et des droits politiques » dans ce pays parmi les plus pauvres et inégalitaires du monde.

Venancio Mondlane, qui a fait une campagne électorale remarquée, suscite de l’espoir, notamment auprès de la jeunesse. « Mondlane et Podemos ont exploité les réseaux sociaux pour se rapprocher de la jeunesse du Mozambique qui cherche à changer le statu quo », analyse Emilia Columbo, du Centre d’études stratégiques et internationales, basé à Washington.

Le Monde avec AFP

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