En tournée en Amérique du Sud avec le XV de France, les rugbymen Oscar Jegou et Hugo Auradou sont accusés d’avoir, dans la nuit du 6 au 7 juillet, violée une femme dans leur chambre d’hôtel de Mendoza, en Argentine. Interpellés le 8 juillet, placés en garde à vue dans les locaux d’Interpol, puis brièvement incarcérés, ils sont désormais assignés à résidence à Mendoza. De là, ils préparent leur défense avec leur équipe de juristes, constituée notamment de l’avocat argentin Me Rafael Cuneo Libarona, les conseils de leur club de rugby respectif et d’Antoine Vey, avocat parisien spécialisé en droit pénal. Ce dernier a accepté de répondre aux questions de Paris Match.
Paris Match. Pour commencer, pouvez-vous nous donner des nouvelles d’Oscar Jegou et Hugo Auradou ?
Antoine Vey. Les deux joueurs ont d’abord été dans un état de sidération, totalement abasourdis et ils restent fortement choqués parce que c’est quand même très dur de se retrouver accusés de faits aussi graves, surtout dans un pays étranger. Mais je pense que, de par les éléments qui ont été collectés, le fait qu’ils entrevoient la possibilité de se défendre et le fait qu’ils ont été placés dans une résidence plutôt qu’en détention, ils ont retrouvé une forme de combativité et d’optimisme. D’autant que leurs familles les soutiennent activement, tout comme les clubs et l’essentiel des gens qui les connaissent, qui connaissent leur personnalité et leur parcours et qui estiment que les faits qui leur sont reprochés, ne correspondent absolument pas aux deux garçons qu’ils connaissent.
Des preuves favorables aux deux joueurs
Votre confrère, Me Rafael Cuneo Libarona, a indiqué la semaine dernière avoir « des preuves concrètes » en faveur des joueurs. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces preuves ?
Dans un dossier de cette nature, l’enquête qui est en train d’être réalisée vise précisément à collecter des éléments objectifs pour essayer de comprendre, au-delà des déclarations et des ressentis des protagonistes, le déroulement des faits. Dans l’affaire qui nous intéresse, cela se traduit par :
- La saisie des bandes de vidéosurveillance ;
- La saisie des téléphones portables ;
- L’audition de différents témoins, comme le patron du bar où la soirée s’est déroulée, le chauffeur de taxi qui a reconduit la plaignante chez elle, le propriétaire et différents clients de l’hôtel ;
- Des expertises médicales qui peuvent permettre de savoir s’il y a eu de la drogue ou des médicaments ;
- Des expertises psychologiques ;
- Ainsi que le rapport du médecin légiste qui a examiné la plaignante.
Tous ces éléments-là ont vocation à être collectés par toutes les parties de l’affaire et surtout par la justice argentine, qui est en train d’effectuer ce travail de collecte et d’analyse des éléments.
Les deux parties seront-elles soumises aux mêmes expertises et obligations ?
Non. Le droit argentin est fait différemment du droit français et, par exemple, s’agissant des téléphones portables utilisés par la plaignante, la remise ne peut se faire qu’avec son consentement. Ce sera d’ailleurs intéressant de voir si elle entendra contribuer utilement à la manifestation de la vérité sur ce point-là. Pour nous, c’est quelque chose d’assez déterminant parce qu’on s’interroge sur la nature des messages qu’elle a pu envoyer juste avant ou après les faits.
Des fuites sciemment tronquées
Dans ce dossier, il y a aussi un rapport d’expertise qui est sorti dans la presse argentine et française et qui fait état de « lésions dans les parties intimes [de la plaignante], de divers hématomes au menton, sur la paupière gauche, les deux jambes, les fesses, l’entrejambe, la poitrine et le thorax ». Ce sont des éléments plutôt défavorables à vos clients ?
Ces informations ont été livrées à la presse argentine par l’avocate de la plaignante et largement reprises, ce qui est très dommageable, car si on ne peut pas parler de « fausse information », il s’agit d’une information largement tronquée, décontextualisée et extrapolée. En réalité, quand une victime se présente face à un médecin légiste, celui-ci effectue un constat, c’est-à-dire qu’il écrit ce qu’il voit – des marques – sans en donner d’interprétation. C’est ce document que ma consœur a fait fuiter.
L’experte légiste n’a pas conclu en faveur du récit de la plaignante.
Antoine Vey, avocat chargé de la défense d’Oscar Jegou et Hugo Auradou
Mais ensuite, ce rapport est soumis à un expert légiste, qui a pour rôle d’interpréter les marques, de dire si ces marques peuvent être qualifiées de blessures ou d’ecchymoses. Et on lui demande si les marques qu’il constate sont compatibles avec des gifles, une strangulation, une agression, etc. Et ce qui est quand même extraordinaire, c’est que, dans cette affaire, l’experte légiste n’a pas conclu en faveur du récit de la plaignante.
Quelles sont les conclusions de cette expertise ?
L’experte légiste a comparé les quatorze marques constatées sur le corps de la plaignante avec son récit des faits. Et il en ressort notamment que la femme a déclaré avoir été saisie au cou, mais l’expert légiste ne remarque aucune marque sur le cou, donc elle exclut l’existence d’éléments démontrant une strangulation. La plaignante avait également une marque à l’œil, donc il a été demandé à l’expert si cela pouvait correspondre à coup, mais pour elle, il s’agissait plutôt d’une marque causée par un traitement esthétique. Au final, l’experte donne des explications autres que des faits de violence pour les quatorze marques, même si, bien sûr, elle n’exclut pas non plus catégoriquement les violences. C’est plutôt favorable aux deux joueurs.
Les joueurs ont exercé leur droit au silence
Nous n’avons pas encore entendu la version des joueurs. Pouvez-vous nous livrer leur version des faits ?
En garde à vue, Oscar Jegou et Hugo Auradou ont exercé leur droit au silence. Ils n’ont donc pas encore livré leur version à la justice. Je n’ai, dès lors, pas vocation à la commenter.
Savez-vous quand ils pourront donner leur récit de cette soirée ?
Quand la justice argentine estimera que l’enquête a permis de collecter tous les éléments objectifs qui permettent de les interroger. Cela peut prendre plusieurs semaines. En attendant, on reste dans une phase de revue, de collecte d’éléments, destinée à avoir une idée plus claire de ce qui s’est passé. Nous ne sommes donc pas dans une phase de jugement et nous demandons de ne pas soumettre les joueurs au tribunal médiatique à chaque fois qu’un élément à décharge pourra fuiter dans la presse argentine.
J’en profite pour appeler à l’extrême prudence face aux accusations formulées dans la presse argentine. À ce jour, Oscar Jegou et Hugo Auradou sont non seulement présumés innocents, mais surtout, aucun élément objectif, en dehors du récit de la plaignante, n’est venu apporter quelque chose accréditant la thèse qu’ils auraient pu commettre les faits pour lesquels ils sont poursuivis.
Tous les éléments dont je dispose pour l’heure me montrent que les faits ne sont pas établis.
Antoine Vey
Beaucoup de théories du complot circulent autour de cette affaire, notamment sur des motivations pécuniaires de la part de la plaignante. Que répondez-vous à cela ?
Les extrapolations et les théories du complot sont extrêmement dangereuses et je ne les commenterai pas. Ce que je sais, c’est que ces affaires, dans laquelle se discute la question du consentement, appellent tout de même à une certaine réserve. À mon sens, il n’y a pas besoin d’attaquer une plaignante pour se défendre efficacement. Son récit et son ressenti lui appartiennent, mais cela ne fait pas une vérité. La solution judiciaire doit être établie sur des preuves, et c’est précisément ce qui est en train d’être fait par la justice actuellement.
Êtes-vous optimistes quant à une libération prochaine des joueurs ?
Oui. Tous les éléments dont je dispose pour l’heure me montrent que les faits ne sont pas établis. J’espère simplement que la justice argentine le verra rapidement.
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